Nostalgie lavande

Les champs de lavande ont toujours fait partie de mon décor – ou à peu près. Je devais avoir cinq ans quand mes parents ont eu un coup de cœur pour la Haute-Provence, et peut-être six quand ils ont décidé de tout quitter pour s’y installer.

La lavande a toujours été là, un peu partout, sous forme de bouquets séchés, de petits sachets dans les placards, ou de miel parfumé sur la table du petit-déjeuner. Chaque année, nous étions fiers d’aller montrer à nos estivants nordiques, bien souvent affectés de coups de soleil monumentaux, les magnifiques étendues violacées vrombissantes d’abeilles.

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Pourtant, pendant très longtemps, ce parfum si caractéristique n’a pas fait partie de mon panel de senteurs provençales favorites : résine de pin, thym sauvage des collines, figuier planté au bord du chemin et que l’on détecte de loin… Toutes ces senteurs de l’enfance que j’aime et que je recherche avidement, toutes narines ouvertes, où que j’aille.

La lavande n’en faisait pas partie.

Et je crois que la raison en est toute simple : un jour, je devais avoir sept ou huit ans, nous roulions tranquillement à travers les petites routes sinueuses de Haute-Provence en pleine saison des lavandes, lorsqu’un camion chargé de bottes fraîchement récoltées a soudain perdu une partie de sa très odorante cargaison juste devant nous. Le conducteur ne s’est aperçu de rien et a poursuivi sa route. Et nous nous sommes retrouvés avec une énorme botte de lavande dans le coffre de la voiture. Une botte de lavande qui diffusait généreusement son parfum entêtant et camphré à travers tout l’habitable, même avec les fenêtres grandes ouvertes. Un parfum qui est venu se planter en travers de mon crâne comme une insoutenable et irrémédiable barre de métal.

Depuis ce jour, le parfum de la lavande était estampillé « danger » dans ma mémoire olfactive, au même titre que les parfumeries, les marchands de bougies et de fleurs séchées, ou certains produits ménagers trop parfumés. Toutes ces odeurs artificielles qui peuvent me valoir de cuisants maux de tête si je n’y prends pas garde.

Il aura fallu que je m’éloigne, que je traverse les frontières et la mer Méditerranée pour que, tout à coup, cette odeur retrouve grâce à mes narines. Ça m’a prise brusquement, après quelques mois passés en exil : du jour au lendemain, sans trop comprendre ce qui m’arrivait, je me suis mise à acheter du savon à la lavande, de la lessive à la lavande, des détergents à la lavande – tout devait être parfumé à la lavande ! J’étais en manque de ma Provence !

Aujourd’hui, j’en ai toujours quelques sachets sur mon bureau. De temps à autre, je les tapote gentiment… Et je me retrouve instantanément transportée au bord d’une piscine… Une piscine isolée, préservée des regards, où je savoure tout simplement le plaisir d’être là avec ma tribu.

Le ciel est d’un bleu somptueux. Les cigales chantent. Les rires fusent. L’eau m’éclabousse à chaque plongeon tandis qu’une légère brise vient caresser de temps à autre les pages de mon livre ; elle fleure bon la lavande – et le bonheur.

Photo : Bleu lavande

C’est ma participation (en avance, cette fois-ci !) au défi #26 du Challenge Écriture proposé par Marie. La contrainte était de choisir une odeur et de dire ce qu’elle nous évoquait.

Mon album de senteurs #5 – dans le désert

Le sable a-t-il une odeur ?

Celui de la plage, oui, assurément. Il est imprégné de notes iodées, de relents d’algues ; il fleure les embruns. Il en a la texture poisseuse aussi.

Le sable du désert, lui, ne colle pas. Il ne se loge pas dans les moindres replis de peau et d’étoffes ; il glisse, tout simplement. Proprement. En toute légèreté. Et sa fraîcheur au point du jour est un indescriptible délice.

À bien y réfléchir, je ne crois pas qu’il ait une odeur particulière.

Pourtant, quand je repense à notre escapade à travers les dunes, au pas lent des dromadaires au pied des montagnes de sable, à nos éclats de rire sous les étoiles, mes narines sont assaillies par le souvenir de cette odeur étrange.

Aux portes du désert, je la retrouvais partout, sans parvenir à l’identifier. Une odeur prenante, douçâtre, chaude, mais de quoi ? De poterie ? D’argile ? De briques cuites au soleil ?

Elle était ténue dans les ruelles du village, discrète dans la cour de ce caravansérail à touristes où nous avions pris un thé brûlant avant le grand débarquement ; vaguement écœurante dans cette drôle de maison à l’allure de grotte, aux plafonds de cathédrale.

J’ai fini par comprendre que l’odeur provenait de la maison elle-même – de ses murs en pisé.

En théorie, on s’imagine que ce genre de construction traditionnelle est conçu pour préserver la fraîcheur à l’intérieur des murs ; pour offrir aux corps éprouvés par la brutalité du soleil une oasis minérale, une parenthèse bienfaisante d’ombre entre deux clartés aveuglantes.

En théorie, on s’imagine que les habitants de ces régions hostiles ont trouvé des solutions pour rendre leurs conditions de vie plus supportables…

Assise dans un coin sombre, baignant dans ma sueur, j’observais incrédule ces gens du désert qui vaquaient à leurs occupations habituelles comme si de rien n’était. Qui allaient et venaient le long des couloirs obscurs, comme si la chaleur extrême, identique de part et d’autre des murs de pisé, était la chose la plus naturelle qui soit.

Elle était partout, cette chaleur. Dedans comme dehors. Accablante. Elle me brûlait la peau, incendiait mes narines, battait à mes tempes, dans mon crâne, sans répit, comme un impitoyable tambour.

Le temps n’en finissait pas. Pourquoi étions-nous là, déjà ?

Ah, oui… Il voulait s’enterrer dans le sable… Quelqu’un lui avait dit que c’était bon pour les rhumatismes et les fractures, et il se remettait tout juste d’une méchante chute de moto.

Cet endroit était une sorte de sanatorium traditionnel spécialisé dans les bains de sable. Il se présentait un peu comme une auberge : planté sur le bord d’une route, avec un parking de terre battue sur l’avant, quelques plantes vivaces dans des parterres, de longs couloirs sombres, et à l’arrière, une porte qui donnait directement sur les dunes… un peu comme une rampe de lancement. Une piste d’envol vers l’aventure.

La veille, nous y avions trouvé les dromadaires qui devaient nous emmener bivouaquer dans le désert. Une folie. Un coup de tête. Un désir très ancien – un moment inoubliable en famille.

Le bivouac était derrière nous. Le balancement des dromadaires n’était plus qu’un joyeux souvenir pour bercer nos nuits d’hiver à venir. Il ne restait plus que le bain de sable…

Alors, nous étions là, à attendre l’heure H. Le bon moment. Le zénith.

L’air était brûlant, épais, gluant. Il sentait la terre cuite au soleil à en avoir la nausée.

Mon album de senteurs #4 – tomate verte

Certaines odeurs ont le pouvoir de nous transporter instantanément d’un endroit à un autre ; de nous faire traverser les années et les frontières pour nous ramener, l’espace d’une inspiration, dans des lieux devenus inaccessibles, auprès de personnes qui ne sont plus.

Je m’affairais dans la cuisine. J’avais décidé de confectionner des pizzas maison, comme je les aime. De « vraies » pizzas, comme celles que j’achetais chez le boulanger autrefois, en Provence : des tomates fraîches doucement mijotées, un parfum de thym, de sauge, quelques anchois, deux ou trois olives noires. Très peu de fromage…

Les oignons chantaient déjà dans la poêle. Il fallait rapidement s’occuper de détailler les tomates. De belles tomates bien fermes, bien charnues. Un peu pâlichonnes, peut-être. Encore un peu vertes. Mais depuis le temps que je vis au Maroc, je ne m’étonne plus de ces légumes dont la taille et la couleur varient au rythme des saisons, en fonction des pluies et de l’ensoleillement, et qui arrivent sur les étals des marchés tels qu’ils ont été récoltés : bruts, portant encore des traces de terre ou parfois de sable.

Avant de les peler, un rinçage minutieux de mes tomates s’imposait.

C’est à ce moment-là, alors que j’étais en train de passer mes légumes sous l’eau en prenant soin d’effacer toutes les traces indésirables sur leurs surfaces lisses, que l’odeur est venue me frapper sans prévenir, me propulsant soudain des années en arrière, dans ce jardin tant arpenté, tant exploré, tant habité de souvenirs.

Vu depuis la maison, il s’étendait entre une haie de sapins et un large parterre de fleurs et de buissons où nous n’avions pas le droit de jouer, et il semblait s’arrêter à la cabane plantée derrière le grand noyer et les pommiers.

Cette cabane avait accueilli maintes aventures enfantines bien longtemps avant moi, pour servir ensuite de remise à outils et de pigeonnier. Elle semblait marquer la fin du jardin. Mais derrière, il y avait encore tout un monde à découvrir : un monde à plumes, piaillant et gloussant, des pommiers, encore, et puis un potager.

Papy y cultivait des légumes. Il faisait ça pendant son temps libre, le dimanche, troquant pour la journée son éternel costume trois pièces, sa cravate et son chapeau de ville – qui n’était pas sans rappeler le borsalino d’Al Capone ! – pour aller bêcher, sarcler, biner la terre de son jardin ; pour aller soigner, avec des attentions de mère, les pommes-de-terre qu’il aimait tant dans son assiette – avec beaucoup de beurre, de préférence.

Sans doute était-ce là pour lui un moyen de rester en lien avec ses racines, avec le souvenir de ses chers disparus. Répéter inlassablement les gestes appris dans l’enfance, le savoir-faire hérité de plusieurs générations d’ancêtres qui s’étaient employés à travailler la terre de leurs fermes flamandes.

C’est donc là, dans le potager de mon grand-père, que j’ai découvert pour la première fois le parfum caractéristique des plants de tomates en train de mûrir.

Un parfum vert, subtil, un peu amer, qu’on ne retrouve pas spécialement quand on tranche la chair rouge et juteuse, ni quand on la mange. Une odeur beaucoup plus crue que celle des fruits une fois récoltés, plus franche, évoquant la végétation, les plantes, la chlorophylle.

J’avais toujours cru que cette senteur si particulière était celle des tomates avant qu’elles n’arrivent à maturité, ou peut-être celle d’une variété belge plus amère que ses cousines du sud – puisque l’endroit où elle m’était apparue la plus prononcée était le potager de mon grand-père…

Je viens seulement de réaliser que cette odeur est en réalité celle du pédoncule du fruit, et probablement celle de ses feuilles aussi !

Ce qui explique sans doute pourquoi je l’associe à un jardin luxuriant baigné de pluies nordiques, plutôt qu’à tous ces plats aux accents de soleil que j’aime cuisiner.

Pour un peu, j’aurais presque envie de commencer un potager…

Un jour vous verrez la blogueuse automate
S'en aller cultiver ses tomaaates
Au soleieieil... ♪♫♪

Photo d’en-tête

Mon album de senteurs #3 – nouveau-né

Cette odeur-ci est hautement addictive et très dangereuse !

C’est une drogue redoutable qui aurait pu avoir ma peau si je n’étais pas parvenue à me sevrer avant qu’il ne soit trop tard.

C’est une odeur infiniment rare ; une odeur qu’on ne peut respirer qu’en un nombre restreint d’occasions dans une vie.

Vous savez, c’est cette odeur à la fois suave et un peu animale qu’ils ont sur eux les tous premiers jours, et qui s’estompe si vite… Elle est profonde, délicate, précieuse, et terriblement éphémère.

C’est sur la tête qu’elle est la plus marquée. Je sonde les cheveux encore tout doux et tout fins de mes narines avides, la peau veloutée du front, les minuscules oreilles. J’inspire profondément. L’odeur s’insinue en moi. Elle va exploser violemment quelque part du côté du cœur – elle se pulvérise en millions de particules de douceur.

Elle réveille la louve qui est en moi. Elle ravive mes instincts les plus primitifs.

Au creux de mon ventre, elle fait naître le désir brûlant de porter la vie encore une fois, de donner le jour à nouveau, de connaître encore et encore ce déferlement d’émotion qui bouleverse tout sur son passage…

C’est dangereux. Je vous l’avais dit.

A chaque nouvelle dose, on risque fort d’en prendre pour vingt ans !

Photo d’en-tête

Mon album de senteurs #2 – le café

Pour planter le décor, imaginez-vous une forêt de chênes verts et de pins à perte de vue. Imaginez-vous un camping presque sauvage, en pleine colline. Imaginez le plein été, la chaleur mordante du soleil, le chant des cigales. Imaginez une caravane où deux adolescentes ont élu domicile le temps des vacances, à quelques kilomètres de chez elles et de leurs parents.

Ma sœur a alors treize ans. J’en ai quinze. Je suis déjà complètement accro au précieux liquide noir. Impossible de m’en passer, même en l’absence d’appareils ménagers.

Alors chaque matin, c’est le même cérémonial…

D’abord, aller chercher de l’eau à la « fontaine » : les yeux gonflés de sommeil, les cheveux en bataille, je parcours les quelques mètres qui séparent notre emplacement du robinet en laiton que nous partageons avec nos voisins.

Ma vieille casserole en fer blanc sous le bras, je traîne les pieds dans la poussière rouge. Le soleil est déjà haut dans le ciel limpide. Les cigales s’égosillent depuis plusieurs heures. Je croise d’autres campeurs qui vaquent à leurs occupations matinales, certains en pyjama, munis d’un rouleau de papier ou d’une brosse-à-dents ; d’autres chargés de baguettes farinées ou de petits sachets beiges desquels dépassent des croissants encore chauds.

Je n’en suis pas encore là. Il me faut d’abord un café.

Pendant que l’eau gazouille sur la gazinière miniature de ma toute petite cuisine, je prépare mes ustensiles sur la table pliante, dehors, sous les arbres : la carafe esseulée d’une ancienne cafetière électrique désormais hors d’usage, le porte-filtre conique retrouvé par maman au fond d’un vieux carton, le filtre en papier, et le café moulu, bien sûr, dont le parfum est déjà prometteur, à l’ouverture de la boîte. À quinze ans, faire le café soi-même avec les moyens du bord, c’est déjà toute une aventure !

L’eau gargouille et glougloute, proteste furieusement d’être coincée là, dans ce cylindre en métal : c’est le moment.

Avec précaution, je fixe la poignée sur le bord brûlant de la casserole et me prépare à verser. J’inspire profondément avant de le faire. Je prends mon temps. L’heure est grave, il ne faut pas se louper. Toute la magie de cet instant réside dans la première eau, je le sais. Celle qui va révéler de façon aussi puissante que fugace les senteurs auxquelles j’aspire. À la deuxième eau que je verserai, ce ne sera déjà plus pareil. L’odeur sera plus ténue, plus terne. C’est maintenant que tout se joue.

Lentement, les narines frémissantes, prêtes à recueillir la bouffée tant attendue, à ne rien en perdre, je verse un premier filet d’eau bouillante sur la poudre d’ébène… qui exhale alors, pendant quelques secondes seulement – quelques secondes si rares, si précieuses – son incomparable parfum de noisettes grillées, de grains torréfiés.

Un parfum qui aura toujours pour moi des relents d’été et de soleil, de terre brûlée et d’écorce de pins.

Mon album de senteurs #1 – la terre

Mon album de senteurs, c’est un rendez-vous mensuel d’écriture que j’avais proposé il y a trois ans (déjà !) autour des odeurs et des souvenirs. Il s’agissait, à l’instar de ce que fait Philippe Claudel dans son livre intitulé Parfums, de se constituer un album de souvenirs en partant des odeurs, de ce qu’elles évoquent pour nous.

L’idée était belle.

Je n’ai pas su la faire fructifier à l’époque, mais je gardais néanmoins l’envie de reprendre ce projet à un moment ou un autre, et je crois que le moment est venu… Dans l’immédiat, je le fais à titre individuel, mais à tout hasard, si une participation mensuelle vous tente, faites-moi signe ! Parmi les thèmes que j’envisage, il y a ‘eau de Cologne’, ‘gares/trains’, ‘persil’, ‘aires d’autoroutes’, ‘rentrée des classes’, ‘aïoli’ ou encore, ‘caoutchouc’…

Pour choisir le premier thème olfactif de mon album, je m’étais tournée vers ma toute petite enfance, quelque part en Wallonie. J’avais fermé les yeux, et j’avais essayé d’explorer mes souvenirs pour voir s’il y avait une odeur particulière qui s’en dégageait…

Et il y en avait une : celle de LA TERRE.

Est-ce que ce n’est pas insolite, alors qu’il s’agissait de plonger dans le passé, de revenir à ses racines, que ce soit justement l’odeur de la terre qui se soit rappelée à moi ?

Mais attention, ce n’est pas n’importe quelle terre…

Celle que j’allais fouler plus tard, dans mes aventures provençales, et dans laquelle s’enracine aujourd’hui ma nostalgie d’exilée, n’a pas du tout la même odeur. Celle-là est sèche et parfumée des mille plantes aromatiques qui poussent là, partout, à portée de main : thym, romarin, fenouil, menthe poivrée… Cette terre est claire, parfois rouge, hérissée de roches. C’est une terre sauvage qui ne s’offre pas facilement. Elle exhale sous le soleil accablant, le « cagnard » comme on dit, quelque chose de rude et de doux à la fois ; de violent et de beau.

La terre de mes origines, de mes racines, est très différente. C’est une terre riche et grasse, noire, gorgée de pluie. Elle est docile sous la bêche de mon arrière-grand-père ; elle colle à ses sabots de bois.

Elle donne généreusement les indispensables « canadas » – les pommes-de-terre – qui sont de tous les repas. Elle procure l’herbe abondante dont se nourrissent les vaches, promesse de tant de délices crémeux. Elle assure les incontournables betteraves à sucre, que l’on voit parfois s’élever en monticules grisâtres au milieu des champs, et qui donneront la fameuse « cassonade », ce sucre roux à la texture légère, délicieux sur des crêpes chaudes.

Le jardin de mes premières années s’étire entre une façade de briques rouges et une grande prairie clôturée où papa élève quelques moutons, et des oies qui me terrorisent. Je m’aventure rarement de ce côté-là. Les jars font un boucan d’enfer dès qu’on s’approche et il y a plein d’orties. Je n’aime pas ça : ça pique ! Je préfère rester près du trottoir recouvert de mousse qui longe la maison. C’est plus sûr.

Quand il fait beau, maman étend le linge près du lilas en fleurs et j’ai le droit de rester dehors pour jouer. Bernard me tourne autour, protecteur. Bernard – le saint-bernard, bien sûr ! Mais l’heure n’est ni au jeu, ni au câlin, Bernard : je suis très occupée.

Accroupie près des trois marches qui permettent de remonter à la maison, je m’emploie à gratter la terre à l’aide d’une pelle et d’un râteau de plage… C’est qu’il y a tout un univers là-dessous ! Un univers qui grouille et se frétille… Un univers vivant qui me fascine et que j’aime observer. Déjà.

J’ai trois ans. Quatre peut-être. Sous le pâle soleil d’un printemps belge, je m’emploie à récolter des vers de terre.

Avec application, je répartis mes petits pensionnaires dans les moules en plastique que j’emmène d’habitude au bac à sable. Je les ai remplis de terre pour l’occasion. Ils pourront s’y tortiller tout à leur aise en attendant mon retour. Ils y seront bien, j’en suis sûre…

Je n’ai jamais compris pourquoi ces lombrics peu coopératifs s’obstinaient à se dessécher !

Cruelle insouciance de l’enfance, qui ignore encore tout de la vie et de la mort.

Mon esprit vagabonde parfois vers ce jardin humide, vers cette terre détrempée qui m’a vu naître, et que j’ai quittée.

Laboureur et planteuse de pommes-de-terre, Van Gogh

Et vous ? Que vous évoque l’odeur de la terre ?