Le temps rafistoleur

Dans l’atelier du temps qui passe,
On rafistole, on rabiboche ;
On raccommode sans relâche
Les destinées qui s’effilochent.

Les vies abîmées, en haillons,
Viennent s'y faire ravauder ;
Les existences élimées
Viennent s'y faire repriser.

Patiemment, de fil en aiguille,
On recoud c’qui est déchiré,
On ourle c’qui est effilé ;
Les cœurs troués sont rapiécés.

Petit à petit, on remmaille
Les liens usés jusqu’à la corde,
Et les âmes sœurs en bisbille
Finissent rapapillotées.

Dans l’atelier du temps qui passe,
On suit la ronde des saisons,
Tout doucement, sans se presser ;
On sait qu’on peut tout arranger.

C’était ma participation au défi À vos claviers, proposé par Estelle, de l’Atelier sous les feuilles. La contrainte était d’utiliser les mots (se) rapapilloter, atelier et fil.

Attention, danger !

Mes souvenirs sont explosifs,
Surtout n’allumez pas la mèche !
Promettez-moi d’être attentifs,
Mes souvenirs sont explosifs.

Le noir s’abattrait, décisif,
Sur votre envie, pauvre flammèche ;
Mes souvenirs sont explosifs,
Surtout n’allumez pas la mèche !
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Je n’ai pas pu résister ! D’abord, je les ai vus chez Estelle, alors que je découvrais tout juste son blog. Puis, je les vus chez Marie… Cinq mots, un thème  : pourquoi pas moi  ?

C’est donc ma première participation aux Impromptus littéraires, sur le thème « Allumer » – la consigne était d’utiliser les cinq mots suivants  : souvenirs, allumer, envie, noir, promettre.

Femmes du monde

C'est la ronde
Des femmes du monde,
Depuis la nuit des temps,
Depuis que le monde est monde ;

La ronde de la vie,
Écarlate,
Qui coule et qui s'écoule ;

De la vie qui se donne,
Tenace,
De mère en fille,
De mère en femme,
Malgré le sang versé
Par la folie des hommes.

C'est la danse des ventres
Ronds
De celles qui ont la chance
D'accueillir en leur chair
L’avenir de la terre ;
De celles qui portent en elles
L'humanité entière.

C'est la ronde 
Des femmes du monde...

Sur la pointe des pieds,
Tu y entres, ma fille,
Quand j'en sors.

Pendant ce temps, à Bethléem

Le monde allume ses guirlandes,
Paix sur la terre comme au ciel ;
Bientôt la grand' messe marchande,
La course aux achats de Noël.

Paix sur la terre et sur nos ondes,
Les beaux sentiments sont partout :
Présentés par des poupées blondes,
Applaudis par l'oncle Picsou.

C'est lui pourtant, sur un coup d'tête,
Qui a réveillé le Golem !
Résonnez hauts-bois et musettes,
Un enfant pleure à Bethléem.
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Aux quatre vents

À l'encre de la nuit, sa plume pour bagage,
L'apprenti rimailleur s'en va aux quatre vents
Semer quelques quatrains et des rêves d'enfant
Qui luisent en séchant sur le grain de la page.

Vous les voyez matin en gouttes de rosée,
S'accrochant en riant aux rayons du soleil,
Scintillant au velours de pétales vermeils
Et sur le fil léger des toiles d'araignée.

Perles de poésie ou seulement paillettes,
Le rimailleur les offre à qui sait percevoir
Le chant discret des fleurs et le parfum du soir,
Et poursuit son chemin des astres plein la tête.
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Entre deux rives

Rondel…

À l'heure où le jour naît bleu or
La ville aux deux mers dort tranquille
Dans la kasbah blanche immobile
Suspendue au dessus du port

Alors la lumière est trésor
Sur l'horizon encor fragile
À l'heure où le jour naît bleu or
La ville aux deux mers dort tranquille

Au loin l'Europe aux miradors
Nargue une Afrique qui s'exile
Après une nuit difficile
La marée ramène les corps
À l'heure où le jour naît bleu or
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*****

Un nouveau rondel (si vous avez manqué le précédent, c’est ici), composé à partir du triolet pour un petit matin. On retrouve le même « refrain » que dans le triolet, mais comme le rondel est plus long (treize vers au lieu de huit), il permet de développer un petit peu.

Qu’en pensez-vous ?

Ce poème est également en cours d’évaluation sur SE. Je vous tiens au courant…

Mon premier sonnet !

Là où tu n’es plus…

Longtemps il m'a fallu un effort de mémoire
Pour ne plus m'égarer là où tu ne vis plus,
Et gagner aussitôt le nouveau territoire
Où tu dors désormais dans le calme absolu.

Ma pensée vagabonde avait pour habitude
De te rejoindre là où coulaient tes vieux jours,
En ce lieu habité de tant de solitudes
Où le temps était long et ton corps bien trop lourd.

J’ai dû, très doucement, par-delà la distance,
D’une vue de l’esprit, apprivoiser l'absence,
En butant sur ta tombe à chaque souvenir.

Plus tard je parviendrai, tout au bout de la peine,
À revoir sans pleurer nos glaces italiennes ;
Dans l’écrin de mon cœur, ton passé – l’avenir.
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Je ne m’en croyais pas capable et finalement, le voilà : mon premier sonnet, avec tout ce qu’il faut là il faut – du moins, je le crois !

Pour le moment, il est en cours d’évaluation par le comité éditorial de Short édition. Je vous ferai signe s’il est qualifié pour le Grand Prix du Court.

Et en attendant, n’hésitez pas à me donner votre avis…

Accro !

Quelques vers matinaux pour un aveu… corsé  😉

Tant qu’il y aura du café
Pour me chatouiller la narine,
Le monde peut bien s’écrouler,
Je planerai dans ma cuisine !

Je le bois hiver comme été,
C’est mon calmant, ma vitamine ;
Je ne pourrais pas m’en passer,
J’suis accro à la caféine !
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Prière

Au plus clair de la nuit,
Je cherche ton visage,
Quand le monde endormi
A cessé son tapage.

Je murmure au silence
Et mon cœur s'affermit ;
Remplis de ta présence,
Les mots brillent sans bruit.

D’autrefois je te fuis,
Malheureuse de honte ;
Oubli après oubli,
Je me laisse pour compte.

Et les jours et mon cœur,
Sombres de solitude,
Ne sont plus que noirceur
Enrobée d’habitudes.

Me pardonneras-tu,
Dans ta douceur immense,
Les manquements têtus
De ma pauvre inconstance ?

Au plus noir de la nuit,
J’implore ta lumière ;
Qu’elle ruisselle en pluie
Dans mes mains en prière.
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Octobre à Tanger

Mon automne africain
Dort la fenêtre ouverte
Et s'étonne au matin
De la plage déserte

Il n'a pas vu l'été
Reprendre son cartable
Et croit qu'il est resté
Les deux pieds dans le sable

Alors il se prélasse
Au soleil il patiente
Et sirote en terrasse
Quelques thés à la menthe
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Dans la lune

Petit poète en devenir,
Assis tout au fond de la classe,
Se préparait à alunir
À bord d’un songe de l’espace.

Où avez-vous encor' la tête ?
Tempête le maître d’école.
Dites-moi où est l’épithète,
Ou je vous donne une heur' de colle !

Qu’est-ce que c’est que cet élève
Qui passe son temps dans la lune ?
Il croit que la vie, ça se rêve.
C’est sûr, il ne f’ra pas fortune.

Mais le poète n'a que faire
Des remontrances de l'adulte.
Il voyage vers d'autres sphères,
Loin des hommes et du tumulte.

Là-haut, il fait des farandoles
De comètes, de météores ;
Dans la voie lactée caracole,
Sur un pâle croissant s'endort.

Il en revient les yeux luisants,
Les poches pleines de poussière
D'étoile et de cristaux d'argent ;
De petits éclats de lumière.

Le jour où il prendra la plume,
Il en saupoudrera ses mots,
Qui scintilleront dans la brume
De vos tourments et de vos maux.

Petit poète qui s’ignore,
On te prédit la pire vie.
Personne ne le sait encore,
L’or naîtra de ta rêverie.
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Ont-ils la foi ?

Rondel*…

Ils ont la même foi que moi,
Ces barbares qui assassinent ;
Qui violent, saccagent, piétinent
Tous les trésors auxquels je crois.

Ils tuent Dieu sait au nom de quoi
Et se disent moudjahidines ;
Ont-ils la même foi que moi,
Ces barbares qui assassinent ?

Le monde nous montre du doigt,
Leur violence nous incrimine,
Pourtant leur haine nous lamine
Dans une nausée de pourquoi.
Ont-ils la foi ?
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* Le rondel est un poème de treize vers répartis en trois strophes de 4/4/5 vers, octo- ou décasyllabes, sur deux rimes, avec des vers qui se répètent comme pour le triolet.

Il est construit sur le schéma A1B1BA ABA1B1 ABBAA1. En principe, j’aurais dû reprendre le premier vers tel quel, mais j’ai trouvé plus intéressant d’avoir une gradation. Je ne sais plus où j’ai lu que c’était une variante possible…