Mille ans

J’ai mille ans
Je viens de naître
J’ai tout vu
J’ai tant à voir

Le temps passe
Et nous entraîne
Le temps passe
Et nous malmène

Les jours tracent
Sur nos visages
Des sillons
Indélébiles

L’escarcelle
Des souvenirs
Se fait lourde
Se fait trésor

Quelquefois
Se fait fardeau
La roue tourne
Et ça fait mal

Il arrive
Que nos regrets
Nous tourmentent
Nous empoisonnent

Mais le cœur
À l’intérieur
N’a pas d’âge
N’a pas de rides

Et trépigne
Et s’impatiente
Et s’enflamme
Et s’émerveille

Et s’étonne
Un beau matin
De ce corps
Si courbatu

J’ai mille ans
Je viens de naître
J’ai tout vu
J’ai tant à voir

*****

Poème déjà publié ici ainsi que sur feu Short Edition – aujourd’hui propulsé sur mon compte Instagram, D’un haïku à l’autre, juste pour voir ce que ça donne dans un nouveau format.

Merci à vous qui me lisez encore 🙂

Image par Henryk Niestrój, Pixabay

Silence

Quand le poète se tait
C’est peut-être qu’il n’a plus de mots

C’est peut-être qu’il a trop de mots
Qui s’entrechoquent
Qui se fracassent

Indicible chaos
Au bord des gouffres de pierre

Sur le fil des pensées
L’équilibre est fragile

Crédit photo

Sans queue ni tête

Très longtemps, j’ai rêvé de nettoyer le monde ;
Monde encrassé, mots insensés.
Insensés les serpents qui sifflent sur nos têtes ;
Têtes remplies, têtes bien pleines.
Pleines de certitudes, les foules poings levés ;
Levés les doutes, sus à l’ennemi !
L’ennemi désigné, chargé de tous les maux ;
Maux de tête, tête en vrac.
Vrac, tous leurs beaux discours bien enrobés de miel ;
Miel écœurant, sucre menteur.
Menteur est l’air du temps, l’entendez-vous grincer ?
Grincer des dents, crever de froid.
Froid le marbre des stèles et la mémoire du monde.

Une petite participation inopinée et presque incongrue au Challenge écriture de Marie.

La contrainte pour cette semaine #18 était d’écrire un texte ou un poème dans lequel le dernier mot de chaque phrase devait être repris au début de la phrase suivante.

J’aimais bien la musicalité et le rythme apportés par cette contrainte, alors je me suis laissée porter sans trop me prendre la tête – le résultat n’est pas très joyeux, j’en conviens, mais bon, on ne choisit pas toujours lesquels de nos mots ont envie de sortir prendre l’air 🙂

Saisonnière

Je la croyais partie
La voilà de retour
Elle était là tapie
Elle revient toujours

Je me croyais guérie
Mon cœur était velours
Elle observait ma vie
M’attendait au détour

Très vite rétablie
Dans son ancien séjour
Mon ancienne ennemie
N’est pas vraiment glamour

C’est ma petite, toute petite participation au Challenge écriture de Marie.

La contrainte de cette semaine #8 était de jouer avec les rimes : continues (AAAA), plates ou suivies (AABB), croisées (ABAB) ou embrassées (ABBA). J’ai opté pour des rimes croisées et des hexasyllabes (des vers de six syllabes).

Le thème était le changement – un thème très difficile à traiter pour moi en ce moment. L’inspiration n’était pas vraiment au rendez-vous…

On fera mieux la prochaine fois !

Sans queue ni tête

C’est un poème flou, quelque peu saugrenu ;
Bien caché, tout tremblant, il était biscornu,
Malheureux, tout boiteux, triste comme les pierres.
Marie, sanglotait-il, ne fais pas de manières !
Je n’ai ni queue ni tête, il faut me laisser là.
N’ai-je pas l’air affreux et sans le moindre éclat ?
Pas à pas, il fallut apaiser ses angoisses ;
D’idée un peu loufoque en rimes efficaces.

C’est ma participation au défi #23 du Challenge Écriture de Marie. La contrainte était d’écrire un acrostiche.

Si je n’ai pas vraiment respecté le thème qui était suggéré par l’exemple proposé – un poème d’Alfred de Musset – je me suis efforcée d’en respecter exactement la structure : huit alexandrins avec une succession de rimes suivies (AA-BB-CC-DD) et une alternance de rimes féminines et masculines. Voilà, voilà…

Ramadan 2020

Café chaud à la hâte, à l’orée bleue du jour ;
Dans nos yeux étoilés, les brumes du sommeil
Et la promesse claire de la prière proche.

Dernières gouttes de nuit que l’on boit en silence ;
Au loin, quelques chiens fous et le chant des crapauds,
Et l’écho saisissant du mutisme des hommes.

Les mosquées se sont tues, nous voilà orphelins !
Où sont toutes ces voix qui tissent d’ordinaire
Au-dessus de la ville un grand voile de paix
Brodé de gratitude.

Sortir

Ciel de plomb, mer d’ardoise.

Sous les pinceaux de pluie,
Le vernis des trottoirs ;

Et les pâles sourires
Des soleils de platine
Qui suintent des pavés.

Au miroir du bitume,
Je glisse à tout hasard

Un pas convalescent.

En sommeil

La ville comme morte a fermé tous ses yeux
 – Tous ses yeux, verrouillés, fermés à double tour ;
Et sous ses paupières crues, scellées de l'intérieur,
Elle retient son souffle.

Comme morte, immobile, elle repose blême,
Étendue sur le flanc à l'anse du ressac ;
Et ses rideaux de cils balayés par les vents,
Elle respire à peine.

Étrangère au soleil, elle repose blême,
Frêle orante de pierre aux mains aseptisées ;
Et ses bouches figées sous des voiles cliniques
Ne prient plus qu'en silence.

Tous ses yeux verrouillés, peut-être rêve-t-elle
De rosée fraîche et pure où baigner ses pupilles
À l'aurore d'un jour scintillant au grand air
Où tout pourra renaître.

Brouillard

Plaines immaculées aux accents de silence
L’insomnie est errance étoilée de néant
Aux dunes de papier, la caravane est lasse
Et les mots se sont tus

Au loin, par transparence, quelques gouttes de lune
Quête insensée
Quête essentielle

Un papillon aux plumes flétries
Se débat aux parois du brouillard

Un papillon aux plumes taries…

L’encre perle à mes yeux
               – Elle a un goût de nuit

Autrefois, le silence

Autrefois
J'étais là
Mais vous n'y étiez pas

J'étais là
Esseulée
Maîtresse incontestée

De mes heures
De mes mondes
Des repos intérieurs

J’étais là
J’étais reine
Je dessinais le temps

J'embrassais
L'horizon
Des pensées infinies

En buvant
Le silence
Avec délectation

Aux confins du chaos

Tout au long de la nuit, j’ai arpenté la terre ;
Et couru les chemins, et foulé la poussière.
J’ai franchi des ruisseaux, traversé des frontières ;
Respiré des forêts, des tapis de bruyère.
 
Tout au long de la nuit, j’ai embrassé les miens ;
Ceux qui sont juste là et ceux qui sont lointains.
J’ai serré sur mon cœur mes parents, mes enfants,
Et plaqué sur leurs joues de gros baisers sonnants.
 
Mais au petit matin, mes yeux se sont ouverts
Sur l’écran saturé des morts qu’on énumère.
Monde claquemuré, tenaillé par la peur ;
Nos portes verrouillées et nos vies à demeure.
 
Peut-être y aura-t-il, aux confins du chaos,
Un après, un printemps, un monde à nouveau beau ;
Mais ces cercueils scellés au milieu de l'absence...
Qui pourra restaurer notre belle insouciance ?

Désir d’exil

Aux mille et une nuits,
La vie n'est pas un conte,
Même si on sourit,
Si on se la raconte.

On aime son pays,
C'est le meilleur du monde ;
On partira aussi
Vers une contrée blonde.

Étrangers pour la vie,
 Mais la panse bien ronde.
WP_20170326_003

Quelques modestes vers retrouvés dans un endroit où ils n’étaient pas censés être…

Quelques modestes vers comme un clin d’œil, comme un pied de nez à l’habituelle léthargie hivernale…

La poésie recommencerait-elle à me titiller ? 🙂