Sortir

Ciel de plomb, mer d’ardoise.

Sous les pinceaux de pluie,
Le vernis des trottoirs ;

Et les pâles sourires
Des soleils de platine
Qui suintent des pavés.

Au miroir du bitume,
Je glisse à tout hasard

Un pas convalescent.

En sommeil

La ville comme morte a fermé tous ses yeux
 – Tous ses yeux, verrouillés, fermés à double tour ;
Et sous ses paupières crues, scellées de l'intérieur,
Elle retient son souffle.

Comme morte, immobile, elle repose blême,
Étendue sur le flanc à l'anse du ressac ;
Et ses rideaux de cils balayés par les vents,
Elle respire à peine.

Étrangère au soleil, elle repose blême,
Frêle orante de pierre aux mains aseptisées ;
Et ses bouches figées sous des voiles cliniques
Ne prient plus qu'en silence.

Tous ses yeux verrouillés, peut-être rêve-t-elle
De rosée fraîche et pure où baigner ses pupilles
À l'aurore d'un jour scintillant au grand air
Où tout pourra renaître.

Autrefois, le silence

Autrefois
J'étais là
Mais vous n'y étiez pas

J'étais là
Esseulée
Maîtresse incontestée

De mes heures
De mes mondes
Des repos intérieurs

J’étais là
J’étais reine
Je dessinais le temps

J'embrassais
L'horizon
Des pensées infinies

En buvant
Le silence
Avec délectation

Haïkus confinés

Courts, faciles à composer (quoique) avec leurs trois vers de 5-7-5 syllabes, les haïkus me font toujours l’effet de petites bouchées à croquer ! Je vous en livre ici une petite fournée brûlante – à prendre avec un bon café, si le cœur vous en dit 😉

*****

Moteurs à l’arrêt
Rues désertées sous la lune
Le chant des crapauds

*****

L’homme confiné
Grignote le temps qui passe
Les oiseaux se marrent

*****

En bas dans la rue
Carrosseries rutilantes
Toiles d’araignées

*****

Monde dans l’urgence
Sirènes assourdissantes
Les pommiers en fleurs

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Ça vous dit d’essayer ?

Aux confins du chaos

Tout au long de la nuit, j’ai arpenté la terre ;
Et couru les chemins, et foulé la poussière.
J’ai franchi des ruisseaux, traversé des frontières ;
Respiré des forêts, des tapis de bruyère.
 
Tout au long de la nuit, j’ai embrassé les miens ;
Ceux qui sont juste là et ceux qui sont lointains.
J’ai serré sur mon cœur mes parents, mes enfants,
Et plaqué sur leurs joues de gros baisers sonnants.
 
Mais au petit matin, mes yeux se sont ouverts
Sur l’écran saturé des morts qu’on énumère.
Monde claquemuré, tenaillé par la peur ;
Nos portes verrouillées et nos vies à demeure.
 
Peut-être y aura-t-il, aux confins du chaos,
Un après, un printemps, un monde à nouveau beau ;
Mais ces cercueils scellés au milieu de l'absence...
Qui pourra restaurer notre belle insouciance ?